Ici, nul besoin de revenir sur la culpabilité de la droite. Celle-ci n’est plus à démontrer tant dans la dramatique et néanmoins bien réelle progression du FN que pour le record d’abstention atteint lors de ce premier tour des cantonales. À cela s’ajoute évidemment, le choix opéré par l’UMP de ne pas appeler à faire barrage au FN, qui dénote après la juxtaposition quotidienne des discours et des thèmes, une véritable stratégie qui vise à ne pas obérer pour l’avenir, la potentielle jonction des électorats.
Après la banalisation latente, et les commentaires amènes sur la pseudo sympathie qu’incarnerait celle à qui l’on donne désormais du « Marine », une nouvelle digue vient de lâcher. L’arc républicain est brisé. Et la responsabilité de la gauche, du PS en particulier, est clairement engagée dans cette nouvelle séquence qui s’ouvre.
Limiter notre analyse au bon score de la gauche dans un décor de ruines tout en répétant comme un vieux disque rayé la nécessité de faire barrage sans pour autant y adosser une véritable analyse de ce « mal vivre » serait bien en deçà de l’idée que nous nous faisons tant de la gauche, que de sa vocation populaire et transformatrice. En un mot, la gauche d’après le 20 mars doit être celle qui entend, traduit et offre un débouché, un cadre de transformation à ce que la précédente n’a peut-être pas suffisamment porté.
Entendre le vote du 20 mars, écouter les citoyens.
Le philosophe grec engagé dans la défense de la démocratie déclarait à ses disciples qui voulaient se forger une lucidité, « dans chaque démagogue il existe une part de vérité qu’il faut savoir extirper si l’on veut efficacement lutter contre lui ». C’est « cette part de vérité » qu’il nous faut aujourd’hui regarder en face : nos concitoyens n’en peuvent plus, économiquement humiliés, socialement déclassés, avec ce sentiment d’être politiquement ignorés, une part sans cesse croissante des français ne nous croit plus. Et si la droite est coupable, nous demeurons tout aussi responsables de ne pas suffisamment incarner l’alternative. Une part de radicalité (qui n’est d’ailleurs pas seulement captée par l’extrême droite) nous échappe, alors que celle-ci est consubstantielle de notre identité historique… Et de notre projet.
Pour beaucoup de français, il est désormais acquis qu’à règles du jeu inchangées la gauche pourra peut-être modifier à la marge la donne mais qu’elle ne changera pas radicalement le cours de la partie et encore moins le quotidien de ces vies où chacun chaque jour un peu plus, se dit que ses enfants vivront moins bien que lui.
Nous, socialistes, avions pourtant il y a maintenant plus de deux ans, avec générosité, conviction et force, bien entrepris l’ouvrage en déclarant la nécessité d’interdire les licenciement boursiers, l’urgence reprise dans la convention économique et sociale de faire appel aux nationalisations, à un pôle financier public, à la revalorisation des salaires et à la reconquête des emplois et de remettre en cause le Pacte de stabilité en faveur d’une véritable politique industrielle, briser la logique infernale du libre échange total… et redéfinir l’espace de souveraineté démocratique à l’aune d’une crise qui aurait dû balayer les préceptes d’un capitalisme qui n’aura brisé que trop de vies.
Dans les mois qui ont suivi, en lieu et place d’un discours et d’une action qui aurait dû promouvoir ce socle utile et nécessaire à l’édification de cette gauche populaire, majoritaire et transformatrice, nous avons semblé remiser notre générosité sous le couvert des « réalités » dont nos atermoiements sur les retraites comme sur la convention Égalité réelle qui pourtant portait la garantie minimum de dignité pour nos concitoyens, furent l’illustration. Nous avons donné le sentiment de vouloir réguler les ardeurs de nos convictions, à l’instar d’ « un juste échange » apparaissant bien plus comme la négociation non garantie de normes juridiques dans le cadre d’une diplomatie commerciale que comme une régulation souveraine par les normes sociales et environnementales protégeant la dignité de nos concitoyens. Enfin nous avons éparpillé nos forces dans les joutes sondagières et individualistes sur fond de primaire, substituant à l’organisation de l’alternative, de l’alternance et de l’unité de la gauche, un jeu d’estrade digne de la télé-réalité où chaque candidat à la primaire, se croit un destin présidentiel tant le jugement du téléspectateur lui importe plus que celui du citoyen.
Quelques mois pour convaincre…
Le projet du PS, sa traduction en programme, l’union de la gauche, l’accélération de la réforme du PS, de son militantisme et de ses visages, les primaires à venir, qui si elles ne rassemblent pas plus à gauche méritent d’être interrogées, ne peuvent pas ne pas être impactés par ce qui est survenu le 20 mars. Le projet doit être populaire, ambitieux et de transformation, le programme clair et franc, à titre d’exemple dire « nous souhaitons réhabiliter les services publics » suppose de remettre en cause dans les 100 jours les directives de libéralisation ou bien encore d’annoncer comment et à quel rythme nous nous engageons à porter ce pourquoi nous aurons été élus alors qu’en 2012, l’Europe sera encore largement et majoritairement à droite. L’union de la gauche devient une urgence et le retour sur le terrain hors période d’élection une nécessité.
C’est avec cette ambition que le 8 avril prochain, UMA rendra public ses priorités pour le projet du PS, mais aussi et avant tout pour les Français. D’ici là, bonne chance à tous
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